JOE BONAMASSA: Live at The Radio City Music Hall (2015)

“Huissier! Veuillez m’apporter le dossier suivant.

- Voilà, Monsieur le Juge. Le cas Bonamassa.

- Ah oui ! Une affaire compliquée ! »

Voilà le dialogue que l’on pourrait entendre dans un bureau du Palais de Justice si Joe Bonamassa venait à passer en jugement. Attention ! Je ne souhaite pas déclencher une polémique (ni au sein de la rédaction ni parmi les lecteurs) et les propos qui vont suivre n’engagent que moi. Oui, le cas Bonamassa est complexe. Pourtant, tout joue en faveur du nouveau dandy de la guitare. Il a une tête de premier de la classe et porte le costard comme personne. Il a mis sur pied une fondation pour la survie et le développement du blues. Il possède une collection impressionnante de guitares vintage qu’il manie avec précision et il joue dans le monde entier. Il a tellement bossé les plans des grands maîtres qu’il peut les replacer à loisir et les choisir selon l’ambiance des morceaux. Bravo ! Tout cela est bien joli mais des questions restent en suspens. Et Joe Bonamassa dans tout ça ? Où est-il ? Où se cache son style personnel ? Pour ma part, je ne l’ai pas encore trouvé. Je m’explique. Prenons son dernier live, par exemple. Cet album a été enregistré dans une salle prestigieuse de New York avec un big band. Joe Bonamassa reprend « I can’t be satisfied » (du grand Muddy Waters) en jump blues avec un solo d’orgue et un solo de gratte qui cartonne honnêtement. Il se défonce sur le rhythm'n’blues syncopé « One less cross to bear ». « Living on the moon » balance bien avec un bon solo de guitare tout comme « I gave up everything for you, ‘cept the blues ». Même Reese Wynans, l’ancien clavier de Stevie Ray Vaughan, vient le rejoindre sur “Double trouble”. C’est très bien mais… il y a un mais. D’abord, tout cela sonne « déjà entendu ». La technique du hard blues avec big band a déjà été reprise avec succès par Mister Gary Moore que personne ne pourra jamais égaler. Ensuite, Joe Bonamassa envoie ses solos avec une précision d’horloger sans réelle passion. Il joue de façon froide et chirurgicale, privilégiant la technique au détriment du feeling. Un comble quand on veut interpréter une musique qui vient du cœur et des tripes.

Pourtant, quand il passe à son set acoustique, les choses semblent prendre une autre tournure. Quand on écoute des titres comme « Dust bowl » ou « Trouble town », quand on se laisse charmer par des morceaux teintés de folk et de country (« Still water », « Different shades of blue », « Happier times »), là, c’est carrément bien. « Never give all your heart » reprend le même esprit en plus électrique avec un Joe Bonamassa qui lâche LE solo qui tue. Alors, vous voyez que je ne me laisse pas emporter par des a priori aveugles ! En fait, Joe Bonamassa n’a jamais autant de crédibilité que quand il s’éloigne du blues, comme en témoigne sa participation à Black Country Communion. C’est peut-être ça, la solution. N’est pas bluesman qui veut ! Comme Machiavel, Joe Bonamassa divise pour mieux régner : il a ses inconditionnels et ses détracteurs mais, au final, on parle toujours de lui. Je ferai donc une conclusion très consensuelle. Sans être un génie de la six-cordes, Joe Bonamassa figure au rang des bons techniciens et son dernier album live se laisse gentiment écouter. Et puis, il vaut mieux écouter Joe Bonamassa que la « Danse des canards ». Cependant, comme dirait mon beau-frère : « Qu’est-ce que t’as contre la Danse des canards ? Á la fin d’un repas, ça te permet de digérer tout en reluquant les fesses de ta voisine de table ! ». Que voulez-vous répondre devant tant de bon sens ?

Olivier Aubry